« Il en est autrement d’un signe destiné à servir de « symbole ». Le lion, par exemple, est considéré comme le symbole du courage, le renard comme celui de la ruse, le cercle comme celui de l’éternité, le triangle comme celui de la Trinité. Or, le lion et le renard possèdent bien les qualités, les propriétés dont ils doivent exprimer le sens. De même, le cercle ne présente pas l’aspect inachevé ou arbitrairement limité d’une ligne droite ou d’une autre ligne qui ne revient pas sur elle-même ou encore d’un intervalle de temps; et un triangle a un nombre de côtés et d’angles égal à celui qu’évoque en nous l’idée de Dieu, lorsqu’on compte les déterminations que la religion attribue à Dieu.
Dans tous ces exemples les objets sensibles ont déjà par eux-mêmes la signification qu’ils sont destinés à représenter et à exprimer, de sorte que le symbole, pris dans ce sens, n’est pas un simple signe indifférent, mais un signe qui, tel qu’il est extérieurement, comprend déjà le contenu de la représentation qu’il veut évoquer. Et en même temps, ce qu’il veut amener à la conscience, ce n’est pas lui-même, en tant que tel ou tel objet concret et individuel, mais la qualité générale dont il est censé être le symbole. […] Il résulte de ce qui vient d’être dit qu’envisagé du point de vue de son concept le symbole possède toujours un double sens. Il se présente avant tout comme une forme, une image ayant une existence directe, immédiate. Un objet direct ou son image, un lion par exemple, un aigle, une couleur, etc., sont là, devant nous, et cela peut nous suffire. C’est pourquoi se pose la question de savoir si un lion dont nous avons l’image devant les yeux ne doit représenter et désigner que lui-même, ou quelque chose d’autre ou de plus, par exemple la notion abstraite de la force pure et simple, ou celle, plus concrète, dû héros, ou encore celle de saison, ou d’agriculture, etc.; bref si cette image doit être prise à la fois dans sa signification propre et figurée, ou seulement figurée. Ce dernier cas est celui des expressions du langage, de mots tels que « saisir », « conclure », etc. Lorsqu’ils ne désignent que des activités intellectuelles, ils éveillent en nous directement l’idée de ces activités, sans évoquer en même temps celle des actes sensibles auxquels ces mots correspondent (car on peut « saisir », « conclure » matériellement). Mais l’image du lion n’évoque pas seulement en nous le sens qu’elle a en tant que symbole : elle nous présente aussi l’objet lui-même, dans son existence sensible ». [Hegel, Esthétique,1832, trad. J.-G. Aubier, t. II, 1944, pp. 13-14.]
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